L'économie, la société dans son ensemble sont contaminées par le manque de confiance hérité de la crise financière et immobilière. Et l'industrie informatique n'est pas en reste, mais à toute chose malheur est bon, car cela rend les DSI un peu plus rationnels dans leurs choix.
Un des problèmes identifiés au début de crise mondiale fut l'opacité des produits financiers. A force de combiner, dériver, retraiter les actifs et leur potentiel, les portefeuilles en devenaient opaques. La valeur d'un produit devenait difficile à relier à son contenu, et dépendait beaucoup trop du vox populi, de ce qu'en disait le marché, et pas assez du contenu réel, des actifs. Il en fut de même pour les bilans d'entreprises cotées. Certains clients, et des plus illustres, ont fait confiance à de grandes marques (d'analystes, de banques) et ont acheté des actifs dont ils ne comprenaient ni ne mesuraient visiblement pas le contenu, notamment en terme de risque. Inversement, certaines très belles entreprises comme Saint-Gobain par exemple, pourtant leader mondial dans plusieurs métiers, étaient visiblement sous évaluées au regard de leur réalité industrielle.
L'industrie du logiciel apparait elle aussi assez opaque avec ses modes, ses acronymes, ses analystes omniscients. On trouve des produits gratuits et d'autres qui valent des millions d'Euros. Comment doit se fixer le (juste) prix d'un projet et d'un logiciel et quelle est la valeur associée – pourquoi est-ce parfois si difficile de décrypter le marketing d'un éditeur et la logique de tarification ? Quelle est le véritable prix à payer en prenant en compte les évolutions à venir du besoin ? Quelle confiance avoir dans celles et ceux qui font profession d'évaluer les logiciels et qui le plus souvent se contentent de lire la documentation marketing des éditeurs ? Ici aussi, il y a de grandes marques, de conseil, d'analyste et bien entendu de logiciel. Mais tout comme la plus grande banque de gestion de fortune n'a pas pu protéger ses clients des déboires d'un placement Madoff, aucun analyste ne protègera un DSI qui aura acheté la marque plus que la réalité des qualités d'un logiciel...
Il existe des entreprises qui préfèrent payer cinq à dix fois plus cher pour un logiciel d'une marque plus connue. Je devrais plutôt dire qu'il existe des directions informatiques qui font ces choix car je doute que les entreprises en ces temps de crises continuent de trouver cela plaisant. J'ai appris récemment avec un certain plaisir que quelques cabinets de conseil avaient débuté des missions pour le compte des directions générales visant à analyser la rationalité des choix effectués par la DSI.
Je souhaite remercier et rendre hommage à Saint-Gobain qui a été au bout d'une démarche rigoureuse d'analyse de son besoin puis d'analyse de la valeur dans son choix de moteur de recherche d'entreprise. A partir d'une liste de 10 éditeurs, 4 furent retenus et testés en grandeur réelle comme cela est relaté dans l'article de Jean-Claude Streicher « Sinequa s'impose dans les grands comptes ». Sans cette épreuve du test, Sinequa aurait probablement perdu ce marché par manque de notoriété. Saint Gobain aurait payé plus cher un service probablement moins adapté à ses besoins, voire n'aurait pas trouvé un éditeur capable de résoudre son problème de gestion de la sécurité liée au moteur de recherche. Ici au contraire, le projet a été réalisé pour un délai et un budget inférieur aux prévisions initiales.
Un problème souligné récemment dans la crise financière a été l'importance sur l'ensemble de l'économie des zones de non droit que représentent les paradis fiscaux. A quoi bon réguler Paris, New-York et Singapour si d'autres places financières ne jouent pas le jeu et si les bilans peuvent y être « rebelotés » en toute impunité. Quel parallèle avec l'informatique ? Le mélange des genres en informatique entre les différents rôles (analystes, revendeurs, consultants, experts….) a pu générer de l'opacité et de la confusion, à la limite du non droit quand parfois on invite les futurs clients dans des séminaires luxueux, on leur offre des missions de conseil, pour ensuite lancer des appels d'offres au sein desquels on ne voudra consulter que certains fournisseurs; On vous donne ceci pour vous faire payer cela plus cher plus tard. Je pense que l'industrie et ses clients ne vont plus tolérer longtemps ces pratiques, le bienfait de cette crise est peut-être là, dans une plus grande exigence du client vers le fournisseur. L'époque héroïque des vendeurs cow-boys, bonimenteurs aux boutons de manchettes clinquants, est révolue. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui jouent cartes sur tables, se concentrant simplement sur la création de valeur, au sein de leur produit, au profit de leurs clients.
Cet excellent post pose la question de la capacité de beaucoup de grands groupes industriels à donner leur chance de manière raisonnée aux meilleures technologies même quand elles sont portées par des entreprises de taille modeste ou naissantes.
RépondreSupprimerTrop souvent de tels groupes préfèrent sur-payer des solutions ou des produits qui leur sont vendus par des "signatures" supposées plus sures, mais dont l'innovation, l'efficacité,la qualité et la compétitivité sont en réalité incertaines sans parler du service de proximité fréquemment inconsistant.
Ce tropisme est encore plus accentué dans des grandes entreprises d'origine française qu'une certaine forme de masochisme conduit souvent à privilégier des choix à label anglo-saxon, les décideurs concernés s'imaginant ainsi que l'air du temps les dégagera mieux de leur responsabilité en cas défaillance de ce type de fournisseur.
Cette situation trop fréquente conduit d'autant plus à applaudir une démarche, comme celle de Saint Gobain, faite de professionnalisme, de rationalité et de bon sens, qui se résume de manière simple: choisir la meilleure solution au meilleur prix sans s'encombrer de fantasmes ou de préjugés que ne peuvent que nuire à la performance de l'entreprise.
Saint Gobain a toujours pratiqué et même de manière rituelique son examen de conscience quant aux choix des offres potentielles dans le domaine des technologies.
RépondreSupprimerC'est sans doute un des rares groupes à ne pas être contaminé par le népotisme ambiant des communautés de tous poils.